28/12/2023
Les deux concerts qu’il a donné à Lisbonne et Porto en ce mois de décembre se sont joués à guichets fermés ; des concerts « sold out » comme on dit. Nininho Vaz Maia est un chanteur portugais. Dans son pays, il est un véritable phénomène. Je l’ai découvert grâce à l’une de mes proches amies (merci Sandrine). Lusophone, elle voulait me faire entendre un chanteur de chez elle. « Écoute ça, Daphné. C’est sûr, tu vas kiffer ! » Et là, bing ! Le titre « Bebé » vient me cueillir, non pas par son texte que je ne comprends absolument pas, mais par la force de la voix que je suis en train d’entendre. Elle me bouleverse sans que je puisse me l’expliquer. Ma curiosité est piquée. Je veux en savoir plus. Et pour cela, rien de mieux que la toile du web. YouTube, Tik Tok, Instagram, Facebook. Je fouille, je visionne clips et vidéos postés. L’évidence m’apparait. N’allez pas croire que ses yeux vert clair, son physique et sa plastique athlétique en sont les principales raisons, quoi que …, mais parce que lorsque Nininho chante, c’est avec son âme. J’ai donc cherché à comprendre qui était ce prince de la pop portugaise à la popularité soudaine et grandissante dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Certes, le Portugal compte déjà de nombreux et talentueux chanteurs. Tony Carreira, Mariza, Ana Moura, Ana Carolina, David Carreira, le groupe Calema... Il est regrettable d’ailleurs, que leur succès ne soit pas du tout ou que trop peu connu en France, à l'exception des derniers. Il faut dire que lorsque ces artistes viennent sur une scène parisienne, ce n’est généralement que pour un soir et devant un public appartenant à la diaspora portugaise, avant de partir poursuivre leur tournée. Cécile Laligan, attachée de presse de renom de plusieurs d'entre eux, l'explique aussi par le fait que les médias français ont du mal à les accueillir. "Ils ne leur ouvrent pas leurs portes malgré leur notoriété internationale. C'est dommage."
Aujourd’hui, Nininho Vaz Maia s’ajoute sans nul doute à cette liste non exhaustive. Il s’est lui-même produit au Bataclan en octobre 2022. Mais qui d’autres que ses fans pour s’en souvenir ? Et pourtant, en France, cet artiste aurait toute sa place. En quoi cela ? Pour le charme qu’il dégage ? Pour ses plus de 90 millions de vues sur YouTube ? Très certainement, mais avant tout, parce qu’il a eu l’intelligence de créer son propre style en unissant ses racines gitanes au flamenco et à la pop. Et là, vous vous dites que c’est un autre Kendji Girac. Eh bien non! Ils n’ont en commun que leurs origines à qui ils n’ont de cesse de rendre hommage.
Nininho est plus qu’un chanteur. Par sa voix puissante et envoutante, il incarne, il vit, il respire et partage avec générosité chaque mot qu’il prononce. Tel un fadiste, il est un passeur d’émotions. Il chante avec passion et avec ses tripes. Le secret est là.
Mais qui est donc cet artiste au style unique ? On doit sa découverte à sa sœur. En 2013, Nininho, de son vrai prénom Avelino, est assigné à résidence pendant plus d’un an après avoir été impliqué dans une bagarre lors d’une soirée. Les journées lui sont longues et ennuyeuses. Un jour, il prend sa guitare et se filme en train de chanter. Il envoie sa vidéo à sa sœur qui la transmet à sa cousine qui, elle-même, la partage sur YouTube. Bingo ! Sans que cela soit voulu, elle devient virale en un rien de temps. Est-ce parce qu’il est torse-nu, assis sur un canapé, une guitare à la main ? Est-ce parce qu’il ne cache pas sa cheville encerclée par un bracelet électronique ? Ou est-ce tout simplement sa voix et ce qu’il s’en dégage ? La vidéo fait le buzz avec plus de 3 millions de vues.
Cette soudaine notoriété, Nininho n’y croit pas et ne la prend pas au sérieux. Pour lui, il s’agit d’une blague. Pourtant, elle est bien réelle. Lui, le fils de gitan (par son père), qui a quitté l’école à l’âge de 16 ans pour aller travailler dans l’entreprise familiale, doit-il y voir un signe ? Nininho a toujours été nourri par la musique. Elle fait partie de sa communauté et de son ADN. Aussi, face à ce succès inattendu, pourquoi ne pas la partager et en faire son autre métier ? C’est le début du commencement. Inconnu hier, Nininho Vaz Maia, gérant d’une compagnie de taxis, passe ainsi sous les feux de la rampe. Il chante et produit ses chansons « sans personne derrière, sans aucune étiquette, sans rien, juste seul. Et je pense que cela a beaucoup plus de saveur. » confiait-il au site Nit.pt.
Le Portugal découvre donc un nouveau talent avec un style bien à lui. Nininho incarne la culture gitane. Par sa musique, il souhaite changer les mentalités et démystifier les préjugés envers sa communauté. L’artiste manouche l’affiche et le clame d’ailleurs dans l’un de ses titres, "Soy gitano" "Je suis gitan (…) Laisse-moi être comme je suis. Nous ne sommes pas tous pareils." Et d’ajouter à Nit.pt « Je sais que j’ai déjà ouvert beaucoup de portes, que j’ai déjà changé beaucoup de mentalités (…) Changer les mentalités avec la musique est ma façon d’être et ce sont des choses que les gens admirent le plus chez moi. »
Chanter lui réussit. À trente-cinq ans, tout semble sourire à l’autodidacte. Marié, père de trois enfants, la légitimité artistique de Nininho Vas Maia n’est plus à démontrer. Son grand talent et son travail ont été reconnus et récompensés en 2021 par un disque d’or. Son premier opus « Raizes » (Racines) est un véritable succès. Les onze titres qui ont fait l’unanimité d’un public conquis - notamment « Gusto de Ti » (Je t’aime bien) en duo avec son fils ainé et repris à chaque fois en chœur lors de ses concerts - ont été couronnés par le prix Platinum Record. Alors, à quand sa consécration en France ? En attendant, il semblerait que ce soit vers l’Espagne, le pays de sa femme, que l’Artiste souhaite déployer son style. Attention, Ricky Martin … La pop latino va avoir un nouvel ambassadeur…
"Foste Embora"